Vous êtes plusieurs à me demander des informations sur le stop, à vous en inquiéter, à en rêver, voire même, depuis mon départ à m’avoir fièrement fait part de votre expérience en tant que nouveau baroudeur. J’ai même tenté de convertir tous mes compagnons de route sans exception à cet art de la rencontre décalée, au bord d’une route, plus ou moins fréquentée et fréquentable.
Après six mois de vagabondage autour de l’Europe, c’est l’heure du premier bilan.
Entre le départ de Paris le 30 avril à 10h, et l’arrivée à Athènes, Grèce, le 19 octobre à 16h08, ont été fait en stop :
– Paris-Wijk Bij Duurstede (500km en 8h et 5 voitures)
– Haarlem-Amsterdam (50km en 30min et 1 voiture)
– Wageningen-Dusseldorf (150km en 3h30 et 3 voitures)
– Berlin-Wolimiertz (350km en 6h et 3 voitures)
– Pasvalys-Klaipeda / Klaipeda-Pasvalys (500km en 3h30 et 5 voitures à l’aller et 4h30 et 3 voitures au retour)
– Pasvalys-Riga (150km en 3h et 1 voiture et 1 camion)
– Riga-Viljandi (220km en environ 4h cumulées en 2 voitures et 2 camions avec une nuit sur la plage et un passage de frontière à pieds sur une route de campagne)
– Viljandi-Tartu (80km en 1h et une voiture)
– Sain Petersbourg-Helsinki ( 400km en 9h, une voiture et un arrêt de 4h à la douane)
– Rovaniemi-Ivalo (300km, 1h30 à pieds pour trouver le bon point de départ, sur le cercle polaire arctique, puis 3h30 en une voiture)
– Ivalo-Alta (360km en 9h30 et 4 voitures)
– Oslo-Göteborg (300km, en 6h et 2 voitures et 1 camion)
– Göteborg-Copenhague (300km, en 5h et 4 voitures)
– Istanbul-Belgrade (950km en 36h et 2 voitures, 1 tracteur, 1 bus, 1 taxi, 1 camion)
– Belgrade-Zagreb (400km, en 5h et 1 voiture, 2 camionnettes et 1 camion)
– Zagreb-Zadar (280km, en 3h et 2 voitures)
– Hvar-Split (40km en 5 jours sur un voilier)
– Mostar-Tirana ( 370km, en 24h et 5 voitures, 2 camions et 1 taxi)
– Thessalonique-Athènes (500km, en 5h et une voiture)
soit pour l’Europe un total de 62 chauffeurs dont 49 voitures, 8 camions, 2 taxis, 1 bus, 1 tracteur et 1 voilier !
NDLR Les 6 mois en Asie ont vu leur lot d’autostop également, 53 en tout. Il y a eu des stops dans les pays suivants :
– Bali en scooter
– Singapour-Malaisie en voiture et en bus
– En Thaïlande principalement à l’arrière de pick-up, mais aussi quelques voitures, pays particulièrement facile pour de l’autostop
– Au Cambodge, en voiture et en Tuk-Tuk
– Au Viet-Nam en moto
– Avion-stop, grâce à mon blog de l’époque, avec Air Asia entre quelques pays
– Au Japon, en voiture
Je n’ai pas tenté le stop au Népal ni en Inde, j’ai préféré payer des billets de bus ou de train, extrêmement abordables, et un meilleur moyen de rencontrer la population, le stop ramenant plus des rencontres entre touristes.
J’ai fait moins d’autostop en Asie, mes arrêts étant moins nombreux et plus longs. Certains pays s’y prêtaient plus que d’autres cependant. Je garde un excellent souvenir de la Thaïlande où le stop en pick-up semblait courant pour les habitants.
De manière générale, je n’ai eu aucun problème majeur. Mon attente la plus longue a été deux fois 3h ex aequo : Dusseldorf en Allemagne, où j’ai fini épuisée dans un train direction Berlin, et Inari, en Laponie Finlandaise, où après avoir bougé à la sortie de la ville j’ai finalement trouvé une voiture dans les 5 minutes. Le maître mot du stop : la patience.
Je pratique ce qui s’appelle un “stop actif”, c’est à dire que je fais des grands gestes, des blagues, et quand les chauffeurs sont à l’arrêt, je vais à leur rencontre. Le meilleur endroit pour faire du stop : une station service sur la bonne route. Il suffit de demander directement aux chauffeurs s’ils vont dans la bonne direction et leur demander de nous aider pour un bout de chemin.
J’ai commencé avec des panneaux de villes mais j’ai vite arrêté. Je préfère arrêter les voitures sans panneau et me faire transporter jusqu’à ce que nos routes se séparent. La plupart des gens allant dans la bonne direction mais pas jusqu’à la destination du panneau se disent souvent à tort qu’ils ne peuvent pas aider. Or même 20km plus loin, c’est un bon moyen de faire remonter l’espoir et la chance d’avoir un prochain chauffeur.
La chance ne sourit qu’à ceux qui y croient. Faire du stop en faisant la gueule parce qu’on attend depuis 2h ne marche pas. Il ne vous faut qu’une seule voiture qui s’arrête sur toutes celles qui passent pour pouvoir démarrer votre propre course. Donc patience ! Et le chauffeur de chaque voiture qui passe n’a que quelques secondes pour vous jauger et juger si vous êtes digne de confiance, à la condition qu’il soit à la base ouvert à l’idée de rencontrer un inconnu sur le bord d’une route. Donc si cet inconnu n’est pas au meilleur de sa forme, même s’il fait du stop depuis plusieurs heures, pour le chauffeur hésitant, il n’en parait que plus louche encore.
Il faut donc partir du bon pied, avec une bonne dose d’énergie sous la semelle à envoyer à tous les potentiels candidats-chauffeurs du jour. Les jours où je ne l’ai pas senti, j’ai beaucoup souffert. ça a été le cas par exemple sur mon trajet Wageningen-Berlin qui s’est transformé en Wageningen-Dusseldorf. Un de mes chauffeurs m’a avoué m’avoir pris en stop uniquement parce que j’avais l’air tellement en colère de ne pas m’en sortir ce jour là qu’il m’avait prise en pitié. Je suis tombée sur un chauffeur de bus qui se rendait à l’aéroport de Dusseldorf, autant dire qu’il m’avait bien sauvé la mise.
Le meilleur moyen de retrouver le sourire quand toutes les voitures qui passent vous font la tronche ou font semblant de ne pas vous voir (“oh regarde chéri, de l’autre côté de la route, un poteau !”…), c’est de faire des blagues. J’insiste auprès des chauffeurs de bus de ligne, qui répondent avec un grand sourire et un air désolé, et auprès des motards, qui me lancent des “coucou” et parfois s’arrêtent pour dire bonjour et me souhaiter bonne chance. Leur donner un peu de mon énergie, recevoir un sourire, un peu de compassion ou de pensées positives en retour multiplie ma mise de départ par mille, et c’est bon nombre de fois que la voiture juste après m’a prise en stop. Parfois parce que ma blague a aussi touché le chauffeur qui m’a vue, parfois, je le laisse à croire, parce que je retrouvais toute mon énergie du départ et que j’étais rayonnante de malice et de joie de vivre, tout ce que le type qui a un long trajet à faire tout seul a envie d’avoir comme compagnie.
De la générosité de mes chauffeurs, je garderai les demi-sandwiches, les parts de pizza, les bonbons, et parfois on me propose aussi de l’argent ou de me payer carrément un repas. Je refuse toujours les deux derniers, je ne veux pas profiter de la gentillesse des gens, si j’ai besoin de quelque chose, je peux l’acheter. Je ne fais pas du stop pour économiser des sous, je le fais pour rencontrer des gens du coin et découvrir un peu plus d’histoires en tout genre. Chacune de mes rencontres est consignée dans mon carnet de voyage. Je demande toujours, quand c’est possible, ce que font les gens dans la vie, s’ils ont déjà voyagé, et, si la barrière de la langue n’est pas trop forte, nous échangeons sur nos cultures et sur le monde.
De la langue de chacun, il m’est arrivé, notamment entre la Lituanie et la Russie, de monter dans des voitures ou des camions où nous n’avions AUCUN mot de vocabulaire en commun. J’ai discuté en Polonais avec un camionneur biélorusse alors qu’aucun de nous ne parlions la langue. Mais on s’est compris quand même, et il m’a appris deux ou trois insultes en biélorusse (qu’ma mère m’a défendu d’nommer ici). La barrière de la langue est plus difficile à franchir quand un des deux décide de ne pas faire l’effort de trouver un terrain commun. J’ai eu des chauffeurs qui parlaient anglais avec qui je n’ai échangé que 2 mots et d’autres avec qui j’ai refait le monde avec les mains et quelques gargarismes.
De la dangerosité de faire du stop. Il n’y a pas eu de moment majeur qui ait pu me pousser à me sentir en danger. J’ai refusé 3 voitures depuis le début du voyage, 2 parce que le conducteur était clairement alcoolisé et une parce que je ne comprenais pas l’endroit où il voulait m’amener, la ville n’était pas sur ma carte et le chauffeur ne me semblait pas assez clair. Dans tout les cas j’ai suivi mon instinct. Surtout ne pas baisser sa vigilance, même quand on attend depuis une heure. Il y aura toujours quelqu’un d’autre pour s’arrêter, même s’il faut patienter longtemps. Pendant les voyages, personne n’a eu de comportement déplacé d’aucune façon avec moi, tous ont été au moins arrangeant pour me poser sur la bonne route pour la suite, quitte à faire des détours, voire me proposer plus d’aide encore. Les chauffeurs étaient souvent plus inquiets que moi pour mon voyage. Je dirais que bien 90% de mes chauffeurs m’ont demandé si je n’avais pas peur de voyager comme ça toute seule.
Mon premier camionneur. Un biélorusse qui écoute de la techno russe (en Lettonie).
Une famille fantastique en Bosnie-Herzégovine qui nous a pris en stop, accueillis pour la nuit et nourrit !
Le chauffeur-type : je n’ai pas fait les statistiques, mais je dirais qu’une bonne majorité sont des hommes seuls, souvent en déplacement pour le travail, souvent commerciaux, souvent dans des superbes voitures. Je voyage dans le confort moi pépé ! Je ne pense pas que ce soit parce que je suis une femme ou autre raison libidineuse, je pense surtout que les hommes ont moins peur que les femmes de prendre un inconnu en stop et que les voitures avec plus d’une personne dedans ont : un, moins besoin de compagnie, deux, souvent plein d’affaire, voire une voiture pleine, trois, souvent des enfants et qui dit voiture avec des enfants dit je les protège contre les dangereux autostoppeurs (*soupir contre l’instinct de préservation de l’espèce*). Je suis assez surprise de voir que ce chauffeur type ne bouge pas trop quelque soit le pays. En deuxième position, pas très loin derrière, je mets les couples, souvent jeunes mais pas que, qui sont tout contents de rencontrer quelqu’un de nouveau, et dont la femme a du caractère, du genre “un autostoppeur ! arrête-toi ! arrête-toi j’te dis !”. Eux sont plus fun, parlent souvent anglais, très ouverts d’esprit et font des long trajets. Mes compagnons de route idéaux, parce que mine de rien mon instinct de survie (*soupir contre l’instinct du survie*) baisse un peu plus sa garde qu’avec un homme seul, même si une fois encore il n’y a jamais RIEN eu qui ait pu laisser penser que j’étais dans un quelconque moment de danger.
Depuis quand je fais du stop ? J’en ai fait deux fois en 2009, avec Alex de Warzazatte, un bon vieux baroudeur de la vieille. C’était très flippant pour moi, même si la première fois on a été ramassés par un bus (oui un bus. ça n’arrive qu’une fois dans une vie) et la deuxième par un couple de maghrébins qui nous ont offert le thé à la menthe maison et les biscuits qui vont bien. Depuis, rien pendant des années. Et quand il a fallut aller chercher ma tente de voyage à Chalon-sur-Saône au départ de Lyon et que le prix du billet de train était à 30€ aller-retour, je me suis dit que j’allais tester mon stop avant de partir. ça c’était en octobre 2014. Et de là j’y ai pris goût, faisant presque tous mes trajets avant mon grand départ par ce moyen, sur les routes de France. J’ai même fait Metz-Lyon-Lyon-Paris en une journée pour un rendez-vous pôle emploi l’avant veille de mon départ. J’ai commencé tard parce que plus jeune je ne me sentais pas capable de jauger mes chauffeurs potentiels, de montrer que ça vaut le coup de voyager avec moi pour un bout de route, et surtout dire non si je n’ai pas confiance.
Mon premier tracteur-stop en Turquie ! direction la frontière ! Marathon de 36h de stop jusqu’à Belgrade avec Milica !
Mon conseil aux autostoppeurs en herbe : D’abord se fier à son instinct. Ensuite se fier à son instinct et enfin se fier à son instinct. Ne pas se laisser porter par la liesse de la voiture qui s’arrête. On n’est content que lorsqu’on est bien sûr de la destination décidée ensemble.
– Première chose, ne pas voir trop gros. Plus de 6h de stop dans la même journée, si vous n’êtes pas chanceux c’est vite un calvaire. Sinon, prévoir d’étaler le voyage sur plusieurs jours et sortir la tente au milieux, voire dormir chez un de vos chauffeurs. J’ai eu la chance de faire la rencontre d’une incroyablement généreuse famille au cœur de la Bosnie-Herzégovine lors d’une longue traversée avec mon ami Jason, qui nous a nourris et logés puis déposés à la frontière.
Le bateau-stop le plus incroyable de ma vie en Croatie et un spot entre 2 stops en Lettonie
– Avoir la carte de votre itinéraire en tête, sous les yeux, dans votre portable et pourquoi pas dans le gps. Ne jamais perdre la route des yeux pendant le voyage. D’abord parce qu’on ne sait jamais si l’on s’est bien compris, ensuite parce que le chauffeur peut oublier de vous déposer avant que vos routes ne se séparent et enfin pour repérer le meilleur prochain spot (une station service, un arrêt de bus…) Si vous avez une carte c’est bien aussi de la montrer au chauffer, qui peut vous indiquer sa destination. ça aide en cas de barrière de la langue (NDLR en Thaïlande, j’avais fini par dessiner le pays en un rectangle avec les villes principales et les pointer du doigt pour me faire comprendre. Les cartes à l’occidentale ne fonctionnaient pas du tout)
– Savoir dire “non”. Si vous n’êtes pas inspiré par la tête de votre chauffeur potentiel, où simplement si sa proposition de destination ne vous convient pas, n’ayez pas peur de dire non. Mon “truc” à moi, c’est d’ouvrir la portière passager, de demander avant toute chose “où allez-vous?”, de rester hors de la voiture, voir comment le chauffeur réagit. Comme je n’ai pas de pancarte et que je n’ai pas encore dit où moi j’allais, si le chauffeur ne me plait pas, je lui dis que ce n’est pas ma destination, je le remercie et je referme la portière. En général il s’en va content, avec l’impression d’avoir aidé. Attention à la vitesse et la façon de conduire aussi. Parfois le chauffeur sera un fou du volant. dites-lui si vous avez peur de sa façon de conduire, quitte à le quitter avant votre destination. Si vous le faite avec délicatesse, il comprendra, vous n’êtes certainement pas le premier à lui dire.
– Savoir se faire rapidement une idée de la personne en face. C’est la chose à avoir pour réussir son stop. Plusieurs indices : l’état général du conducteur (mine de rien, la gueule ça compte). Est-il propre, a-t-il l’air sobre, … l’état général de la voiture : sale, propre, … Si elle est pleine de canettes de bières ou de jouets d’enfant, ça ne me donne pas les mêmes indications. J’aurais toujours plus confiance en un père de famille qu’en un fêtard un dimanche matin. L’ambiance que vous ressentez. Si ça bourdonne dans votre tête, dans votre estomac, dans votre gorge ou dans votre pied, peut-être que ce n’est pas la bonne voiture. Ne soyons pas parano non plus, faites la part des choses entre votre peur et votre instinct.
– Connaitre les habitudes dans chaque pays (pancarte ou pas, durée moyenne du stop, degrés de difficulté, signes à faire -attention le pouce peut être mal vu dans certains pays, …) Il y a plein d’infos sur le net, mais un très bon site ici donne plein de détails sur le stop à travers le monde, et vous pouvez le compléter, comme un wikipedia : http://hitchwiki.org
– Certains conseillent de relever les plaques d’immatriculation et de les envoyer à un proche, ou de faire semblant de le faire dans les pays où le téléphone ne passe pas. Personnellement je ne l’ai jamais fait. ça n’est utile que si on retrouve votre corps dans une rivière quelques jours plus tard, et ce dénouement n’est pas dans mes options de départ. Et comme je suis à l’étranger, que souvent la langue est si différente qu’il me faudrait une heure pour expliquer au chauffeur que j’ai envoyé un texto à ma maman avec son numéro de plaque d’immatriculation dedans, je préfère montrer que je suis en confiance et que j’en ai dans le ciboulot. Mais peut-être que ça peut vous rassurer en voyage, je ne sais pas.
– En partant, j’ai toujours le même rituel, parce que ce qui me fait peur, c’est d’oublier quelque chose dans la voiture et qu’elle parte avec une partie de mes -maigres- affaires. Je sors donc en laissant ma portière ouverte, me dirige vers le coffre ou la plage arrière où sont mes affaires, récupère tout, vérifie bien, puis reviens fermer la portière passager et dire au revoir et merci au passage. En même temps ça efface ma crainte d’un voleur de petites culottes qui partirait avec mon sac de voyage en croyant détenir un magot (peur totalement infondée, je n’imagine pas beaucoup d’autostoppeurs voyager avec des lingots d’or dans leur valise, et je pense qu’aucun de mes chauffeurs n’a jamais eu cette idée non plus).
Ce long discours sur l’autostop basé sur ma propre expérience, tout ça pour dire que la peur paralyse et que les autres, ceux qu’on ne connait pas encore, ne gagnent qu’à être connus ! Le stop est un bon moment, toujours, un bel échange aussi, et mon moment préféré, c’est quand je pose mes deux pieds sur le sol d’un nouveau pays et que grâce à mes chauffeurs j’en connais déjà un bout de la langue, quelques spécialités à goûter et quelques lieux incontournables à visiter en dehors des sentiers touristiques!!
La tente au soleil de minuit en Norvège et un stop en moto pendant mon passage au Viet-Nam